Voie et passage ou direction et itinéraire, le chemin confond sa réalité matérielle et sa fonction. En principe, il est fait pour aller d’un point à un autre. Mais rien n’est simple. Et comme le personnage d’Adalbert Stifter en fait l’expérience, il est possible que la principale vertu d’un chemin soit d’égarer celui qui l’emprunte. Perdre le fil, partir et retrouver quelque chose de soi, voilà aussi à quoi peuvent conduire les chemins de la vie, suggère Anne Guglielmetti dans sa nouvelle « Aréthuse », dont la première partie a été publiée dans le numéro 2 de Mirabilia – source et résurgence, autre cheminement à l’intérieur même de la revue…
Extrêmement attentif aux paysages, aux lumières, au horizons, Julien Gracq nous fait revivre, et avec quelle précision sensible ! quelques-uns de ses « grands chemins ». Gaston Roupnel, géographe comme Julien Gracq et grand ami de Gaston Bachelard, nous rappelle l’ancienneté des chemins qui maillent notre territoire et dont on peut, si on sait la lire, retrouver la trace. Martin de la Soudière, ethnologue, et Jean-Christophe Monferran, cinéaste, témoignent de ces chemins de campagne, « hauts lieux de proximité » d’un monde rural dont la mémoire se perd ou, comme eux, s’efface. Par opposition, la petite anthologie des « chemins de Paris » bordés de monuments, de jardins, de boutiques, dessine des aventures tressées d’attentes et de rêves.
Mais les chemins n’appartiennent pas qu’aux hommes. Martine Tabeaud et Anouchka Vasak nous font vivre ceux des nuages, à la fois dans leur réalité physique, qui les mènent du lointain de l’océan jusqu’à nous, et dans la curiosité des hommes qui n’ont eu de cesse de les observer, les dessiner, les nommer et les comprendre. Vincent Vignon, quant à lui, nous révèle la complexité des « coulées » des animaux, chemins furtifs, discrets mais bien réels, et rend compte des efforts entrepris pour aménager des passages afin que nos routes qui croisent les leurs ne soient plus pour eux des obstacles mortels.
Chemins d’initiation enfin : symbole universel, présent depuis la plus haute antiquité, différentes images de labyrinthes constituent le cahier central de ce numéro.

Que soient ici remerciés Marie-Hélène Pépin, Jean-Marie Peyrot des Gachons, Fabienne Raphoz et les éditions Corti, et tous ceux qui, auteurs, contributeurs, photographes et éditeurs, ont permis à tous ces chemins d’exister, qu’ils soient de mots ou d’images, de science ou d’histoire, de mémoire ou d’imagination.